CE PLUTONIUM QUE NOUS NE DEVONS PAS VOIR…

En complément d’information et en écho à la perquisition effectuée par la DGSI à Cherbourg le 13 décembre 2016  chez Yannick Rousselet, chargé de la campagne nucléaire à Greenpeace : extrait de mon livre Rainbow Warrior mon Amour, page 251, Glénat 2011.

Le camion le plus dangereux du monde

Toutes les semaines, des camions transportent des centaines de kilogrammes de plutonium de l’usine Areva de La Hague à destination de celles de Marcoule et de Cadarache. Une grande diagonale de mille cent kilomètres sur les routes de France, via Paris et Lyon. Des millions de personnes ne savent pas que ce camion blanc, noyé dans le flux routier, transporte de quoi fabriquer vingt bombes atomiques de la puissance de celle d’Hiroshima.

Pour montrer la vulnérabilité de ces transports, le 19 février 2003, Greenpeace parvient à bloquer pendant quatre heures, avec une facilité déconcertante, un convoi de cent cinquante kilos de plutonium en pleine ville de Chalon-sur-Saône. La fouille anale que certains militants subiront lors de la garde à vue qui s’en est suivie était-elle indispensable pour la sécurité de notre pays ?

Les élus des agglomérations traversées ignorent tout de ces transports hebdomadaires qui passent et repassent sous les fenêtres de leurs administrés… Pire, après deux tentatives infructueuses, avec Nathalie Rousselet comme guetteuse, le 25 février 2003, à Caen, je parviens à photographier l’un de ces camions chargés de plutonium sur le viaduc de Calix, en flagrant délit de mise en danger de la population.

Les conteneurs prévus pour ces transports très spéciaux sont certifiés rester étanches en cas de chute allant jusqu’à neuf mètres de hauteur. Le camion qui roule devant mon objectif est en train de passer à trente mètres au-dessus de l’Orne et des installations pétrolières du port de Caen. Cent cinquante kilos de plutonium en proximité rapprochée avec des millions de litres d’hydrocarbure, situation non prévue par les tests de sécurité qui assurent que les conteneurs peuvent résister à une chaleur de 800 °C pendant une demi-heure. Insuffisant pour nous protéger en cas d’incendie du terminal pétrolier.

La théorie de l’« effet domino » référencée dans les rapports des commissions d’enquête qui tentent, a posteriori, d’expliquer l’origine de toutes les grandes catastrophes, n’est pas prise en compte dans l’établissement de l’itinéraire de ces transports. Éviter le viaduc de Calix et le terminal pétrolier du port de Caen rallongerait de cinq kilomètres un trajet de mille cent kilomètres. Areva n’hésite pas à prendre le risque d’une hypothétique, mais possible, catastrophe pour un raccourci de cinq kilomètres.

J’espère avoir ébranlé la confiance que vous accorderez désormais aux déclarations officielles qui veulent nous faire croire que l’État et l’industrie nucléaire font tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer notre sécurité quotidienne…

Mon « scoop » sera publié la semaine suivante dans L’Express. Depuis, les camions chargés de plutonium ne passent plus par ce viaduc… Ma photo, soutien au long travail de Greenpeace, du cabinet Wise (World Information Service on Energy) et de John Large (ingénieur consultant en nucléaire) visant à décrire ces transports spéciaux, a été « la paille qui a cassé le dos du chameau »… Belle récompense !