Rien n’a changé

L’association @anccli pousse un «cri d’alarme et de révolte» : les Français ne seraient pas préparés à un accident nucléaire majeur.

 » Ce reportage en Belgique m’en rappelle un autre, réalisé en 2005 dans le Loir-et-Cher. J’avais photographié un exercice grandeur nature de simulation d’accident nucléaire à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux. Le scénario précisait: «émission de matières radioactives dans l’atmosphère ». Tous les services de l’État, regroupés en PCO – Poste de commandement opération- nel –, étaient installés dans une caserne de pompiers voisine. En cas d’alerte réelle dans une petite commune rurale, il est difficile d’imaginer que les consignes de confinement données à la popu- lation soient respectées, et que des dizaines de parents ne courent pas chercher leurs enfants à l’école toute proche. Sur les barrages routiers, devant moi, les gendarmes en combinaison de protection ne tiennent pas plus de dix minutes au soleil sans enlever leur masque. Et quand, un peu plus tard dans la matinée, le préfet réquisitionne tous les autocars du département pour évacuer plusieurs milliers de personnes, quelqu’un évoque devant lui la possibilité de ne pas trouver suffisamment de chauffeurs assez fous pour rouler en direction d’un nuage radioactif. De toute façon, Météo France vient d’annoncer que le vent a basculé de quatre- vingt-dix degrés et tous les itinéraires d’accès sont déjà à revoir… Il faut maintenant traverser la Loire pour se sauver. Entre Blois et Beaugency, soit une distance de trente et un kilomètres, le pont de Muides-sur-Loire est le seul passage possible pour des milliers de personnes paniquées, et un camion est tombé en panne au milieu. Tiens, le vent vient à nouveau de changer de direction… Dans de telles circonstances, le chaos n’est pas une probabilité, c’est une certitude. Qu’est-ce que c’est que cette industrie qui ne peut pas tourner sans distribuer, « au cas où », des cachets d’iode aux populations vivant à moins de dix kilomètres d’un réacteur nucléaire ?


Rainbow Warrior mon Amour, page 348, Pierre Gleizes, éditions Génat.